Combien de calories pendant une course, comment gérer l’alimentation avant pendant et après la course
15 janvier 2018 par le Docteur Jean Jacques Menuet Médecin du Sport
Réflexion sur la dépense énergétique du cycliste et les adaptations nutritionnelles
La dépense énergétique d’une course se situe entre 3000 et 5000 K.calories ; en fonction de la durée et de l’intensité de l’effort
Les carburants sollicités pour fournir l’énergie nécessaire : les glucides (40 à 55%), les lipides (40 à 60%), les protides (3 à 10%) ; cette répartition varie en fonction de la durée de l’effort, de l’intensité, de la puissance développée, du profil +/- vallonné de la course ; un contre la montre (effort court et intense) « tape » plus dans les glucides ; une étape de transition où ça ne roule pas tape beaucoup plus dans les lipides ; une étape de montagne tape un peu plus dans les protides. Pendant la course il est IMPOSSIBLE de quantifier précisément la répartition et les quantités consommées de ces 3 « carburants » (glucides, lipides, protides) ; il existe des profils « glucidiques » et des profils lipidiques (« diesel ») ; seul un test d’effort sur ergocyclomètre pendant lequel on procède à l’analyse des gaz expirés permet d’évaluer la dépense énergétique en glucides et en lipides (on peut alors tracer une courbe des substrats énergétiques utilisés)
Les glucides :
-Pendant l’effort le glucose est brûlé au niveau du muscle pour fournir de l’énergie nécessaire à la contraction des fibres musculaires ; quelles sont les sources de glucose pendant l’effort ? :
- Le glucose qu’on peut stocker avant l’effort grâce aux repas qui précèdent (nutrition de la veille à petit déjeuner à boisson d’attente) = ces glucides sont stockés sous forme de glycogène dans les muscles et dans le foie (déjà on peut noter qu’un sportif qui possède une grosse masse musculaire peut stocker plus de glycogène) ; pendant l’effort ce glycogène va libérer du glucose qui va être « brûlé » au niveau du muscle pour libérer l’énergie (ATP) nécessaire. Le glycogène musculaire s’épuise vite s’il n’est pas entretenu en apportant du sucre pendant l’effort, et ce dès le début de l’effort : « pour moins taper (en quantité et en vitesse) dans ses réserves de glucides il faut apporter des glucides pendant l’effort»
- Du glucose qu’il faut apporter régulièrement pendant l’effort et ce dès le début de l’effort.
- Dans un effort d’endurance prolongée, au fur et à mesure que le glycogène musculaire et hépatique est utilisé et s’épuise (avec donc risque d’hypoglycémie), le corps est heureusement capable de continuer à fabriquer un peu de glucose au niveau du foie, on appelle ça la « néoglucogénèse hépatique » ; ce glucose peut être « fabriqué » :
- à partir des acides aminés (qui viennent du sang ; et qui sont libérés en « cassant » des fibres musculaires) appelés acides aminés glucoformateurs (surtout l’alanine) ;
- également à partir de l’acide lactique; (cycle de Cori)
- également à partir du glycérol (qui est libéré par nos réserves sous cutanées de graisses = le « tissu adipeux »; ces graisses qui constituent le tissu adipeux sont les triglycérides) ;
- d’autres composants (pyruvate par exemple) le foie est capable de refaire du glucose ;
MAIS ces différentes voies de la « néoglucogénèse » ne peuvent se dérouler QUE SI pendant l’effort on continue à apporter du sucre par l’alimentation (boissons glucidiques, aliments sucrés)
En pratique, pour les apports glucidiques :
- Au MAXIMUM la nutrition avant la course peut apporter 1000 à 1300 Kcalories de réserves en glycogène ; il faut apporter environ 10 à 12g de glucides par kg pendant les 24 heures qui précèdent (jusqu’à 3 jours selon la durée de l’effort) ; un sportif de 70 kg apportera donc 700 à 840g = 3000 Kcalories sous forme de glucides.
- Pendant la course il faut apporter au maximum (l’ « usine » à brûler du glucose ne peut pas fonctionner plus vite … ») 1g de sucre par minute = 240 Kcal/h ; du fait de la tolérance digestive un apport optimal de 200 Kcal semble possible ; 160 étant vraiment le minimum en dessous duquel le risque d’hypoglycémie est probable. Ce chiffre de 200 Kcalories étant dépassé si les produits absorbés contiennent par exemple un peu de protéines eu de graisses (même si l’apport de graisses doit vraiment être réduit) Chaque sportif se connaît, doit « écouter » ses sensations, pour arriver à bien maîtriser les apports glucidiques dont il a besoin.
- Si la dépense énergétique pendant une course d’une durée de 5 heures est de 4500 Kcalories :
- 1000 à 1300 Kcalories (selon le poids du sportif notamment selon sa masse musculaire) seront apportées par les réserves de glycogène
- 2000 à 2500 (selon le niveau « aérobie » du coureur ; aussi selon l’intensité de la course) Kcalories seront apportées par les lipides.
- DONC il reste à apporter environ 4500-1200-2300 = 1000 Kcalories, cqfd!! car ça correspond aux 200 Kcalories de glucides par heure de course que j’ai évoquées plus haut dans ce document.
Les lipides :
ils sont issus du tissu adipeux (= les triglycérides stockés sous la peau) Ces triglycérides sont dégradés en acides gras et en glycérol. Les acides gras sont ensuite transportés dans la circulation sanguine par l’albumine jusqu’aux cellules musculaires pour permettre la production d’énergie au niveau des mitochondries. Le glycérol pouvant pour sa part être utilisé pour fabriquer du glucose (« néoglucogénèse ») Les réserves corporelles en lipides sont inépuisables ; il n’est donc pas utile de consommer des rillettes et du beurre pendant l’effort (d’autant que la présence de graisses ralentit fortement la vidange de l’estomac)
Les protides:
Pour l’apport en protides le corps va « taper » dans ses propres réserves (acides aminés issus des muscles, et aussi acides aminés qui circulent dans le sang) ; les « BCAA » (acides aminés branchés) sont les principaux sollicités. D’où l’intérêt éventuel d’apporter des « BCAA » avant, pendant puis après l’effort ; cet apport ne se conçoit qu’après étude précise du dossier nutritionnel, du niveau du sportif, de la durée de la course ; des complémentations consommées à outrance, sans maîtrise, représentent une attitude que je n’encourage pas.
Ce qu’il faut bien comprendre : pendant l’effort le mélange de combustibles (glucose, acides gras, acides aminés) se modifie avec la durée de l’effort. Pour une même intensité plus l’effort se prolonge et plus le muscle dégrade les réserves à distance : le glycogène du foie et surtout les acides gras du tissu adipeux. Plus le sportif est entraîné avec un gros potentiel « foncier » (aérobie) plus il économise son glycogène et plus il est capable d’utiliser les acides gras. Donc pour disposer de suffisamment de carburant pendant un effort prolongé il faut :
- 1/ Bien sûr s’alimenter avant (= faire des stocks de glycogène pour le foie et les muscles) et pendant l’effort (= apporter 200 Kcalories par heure, en moyenne)
- 2/ Mais AUSSI être bien entraîné !!!
L’ « opération porte ouverte » :
pendant les 90 minutes qui suivent la fin d’un effort prolongé pendant lequel un sportif a bien « tapé dedans » il faut VITE restaurer les stocks de carburant : tout ce qui va être consommé pendant la collation ou le repas va « refaire les stocks » : glucides (boissons sucrées, aliments glucidiques), aliments protéinés ; sans oublier les minéraux. Et bien sûr la réhydratation. A cette réflexion s’ajoute celle de privilégier des aliments « alcalins ».
Ma réflexion personnelle :
Tous les chiffres que j’ai évoqués (consommation des différents carburants, dépense calorique, etc.) ne sont QUE des estimations ; il n’est ABSOLUMENT pas possible de quantifier au gramme près et encore moins à la calorie près ce qui doit être consommé avant, pendant l’effort ; et après l’effort ; on ne dispose pas encore d’un « compteur » précis de calories dépensées, et surtout pas de moyens pour déterminer précisément la répartition (glucides, lipides, acides aminés) du carburant utilisé pendant l’effort. DONC je ne valide pas l’intérêt de mettre en place une stratégie qui consiste à proposer des menus avec des calculs précis de calories, en pesant les aliments ; sauf à « rassurer » le sportif et … son nutritionniste. Il est intéressant d’avoir des repères, des ordres d’idées (catégories d’aliments, quantités approximatives, environ 200 Kcalories pendant l’effort, puis comprendre l’intérêt de l’ « opération portes ouvertes » après l’effort) Mais vraiment sans plus. Mon expérience et surtout celle des nombreux sportifs que j’ai coachés et que je coache pour leur nutrition me fait affirmer que l’essentiel ce sont les sensations, l’ « instinct » ; devant un buffet à l’hôtel un sportif qui se connaît bien et qui a de bonnes bases sur la nutrition sait parfaitement construire son repas, sentir s’il a besoin de saler plus, s’il a besoin de pâtes plutôt que de riz, si son corps lui « demande » des légumes verts cuits, un potage ; s’il a besoin de prendre un dessert ; il écoute aussi sa sensation de faim, sa sensation de réplétion. Un navigateur que j’ai conseillé pour sa nutrition m’a expliqué que pendant son Tour du Monde, même si chaque jour il dispose d’un sac qui regroupe les aliments qui ont été préparés, il fait bien plus confiance à SES sensations : il termine ou non son sac, complète ou modifie éventuellement avec d’autres aliments à disposition. On peut fournir des idées de menus, avec des quantités approximatives (petite assiette, moyenne assiette, grande assiette), mais à mon sens SEUL le sportif connaît son corps et apprend à connaître et ressentir ce qui lui convient. L’enfermer dans des calculs de calories et peser les aliments c’est l’entretenir dans un carcan qui peut aboutir à une souffrance, une frustration, une perte d’autonomie de fonctionnement. Ne se fier qu’aux sensations n’a toutefois aucun sens si le sportif ne maîtrise pas des notions essentielles en nutrition, telles que l’apport calorique horaire pendant l’effort, la notion de « portes ouvertes », puis savoir comment constituer un repas varié, équilibré, pas acide, etc. Tout comme le calcul des watts et toute la technologie qui vient polluer l’écoute des sensations. Ces technologies, tout comme le savoir du nutritionniste, ce sont des outils complémentaires, qui ne doivent pas éloigner le sportif de sa quête principale, qui à mon sens est de se connaître, de fonctionner au « feeling ». Dans le milieu du sport où dans les équipes le staff est bien plus nombreux que le nbre de sportifs (préparateurs, entraîneurs, nutritionnistes, « préparateurs » mentaux, kinés, ostéos, médecins, bidulothérapeutes divers) le danger est réel que le sportif perde son autonomie … Vaste réflexion… Chaque intervenant est présent pour apporter une compétence, un outil complémentaire, oui ; mais sans excès ni recherche de « pouvoir » ni d’ « existence » … Nous sommes là pour guider le sportif, en restant à notre place.