En cyclisme, la position assise et en antéflexion est spécifique et peut entraîner l’apparition de pathologies diverses et variées allant du rachis cervical aux pieds. De plus, dans ce sport, tout le matériel est réglable. Autre particularité de cette discipline : la pratique impose une position relativement fixe (maintenue de 2 à 6 h, voire plus) et un mouvement des membres inférieurs répété des milliers de fois (15 000 tours de pédale environ pour 100 km). Une mauvaise position va donc pouvoir être à l’origine de souffrance ou d’inconfort (sans déclenchement obligatoire de pathologie réelle) et la répétition du mouvement à l’origine de microtraumatologie au sens large.
LES CERVICALGIES
Le rachis cervical est pratiquement en permanence en extension, voire en hyperextension. Les cervicalgies sont donc fréquentes. Dans la plupart des cas il s’agit de simples courbatures ou contractures des muscles latéro-cervicaux.
Le premier critère à prendre en considération est le matériel et son réglage. Si le vélo n’est pas adapté à la morphologie du cycliste, les cer – vicalgies peuvent apparaître (vélo trop grand, selle trop haute, guidon trop bas…). Un vélo bien à sa taille est la première recommandation de prévention.
Il est conseillé de se redresser fréquemment sur sa selle, voire de lâcher le guidon des mains si cela n’entraîne pas de risques particuliers et d’effectuer quelques mouvements de flexion-extension et de rotation droite et gauche du rachis cervical. Cela assurera une relaxation des muscles latéro-cervicaux. Pour les cyclistes qui souffrent dans la vie courante de cervicalgies, il est recommandé de baisser légèrement la selle et de relever le guidon afin d’obtenir une position plus redressée qui diminuera d’autant l’hyperextension cervicale.
Il est aussi conseillé de tenir le plus fréquemment possible son guidon en haut et non en bas ou au fond du cintre.
LES LOMBALGIES
Comme les cervicalgies, elles sont liées à la flexion antérieure du rachis dorso-lombaire maintenue durant des heures. La lordose lombaire est réduite, voire inversée, et les muscles postérieurs, étirés de manière prolongée, deviennent sensibles. Il est nécessaire de se redresser fréquemment sur la selle et de reprendre quelques secondes une position droite qui permettra de faire travailler les muscles dorsaux et lombaires. Quelques mouvements de rotation et de flexion extension seront là encore bénéfiques. Le cycliste peut aussi utiliser la position « en danseuse » (debout sur les pédales) pour se décontracter et faire travailler les muscles postérieurs. Il est également recommandé de pousser de petits braquets (c’est-à-dire avec une difficulté moindre et donc de pédaler plus facilement). Il est remarquable de constater que ce « besoin d’étirement » est inversement proportionnel à l’entraînement du cycliste. A la reprise de l’entraînement les étirements sont nécessairement fréquents et ils deviennent spontanément plus rares au fur et à mesure des sorties. Comme pour les cervicalgies, le premier critère de prévention passe par un vélo bien réglé, bien adapté à la taille et à la morphologie du cycliste.
Attention aux méfaits du vélo d’emprunt !
A l’inverse, les sujets souffrant d’arthrose inter apophysaire postérieure peuvent être soulagés sur leur vélo grâce à une décharge relative de ces dernières articulations en raison de la flexion antérieure du rachis.
LES ÉPAULES
Pas de microtraumatologie à ce niveau.
En revanche, exposition fréquente en cas de chute avec fracture de la clavicule ou entorse acromio-claviculaire. Les fractures sont d’ailleurs plus fréquentes que les entorses ou luxations en raison de la violence du choc (chute entre 20 et 40 km/h sans compter l’inertie).
LES COUDES
Pas de microtraumatologie.
LES DOIGTS ET LES MAINS
Un engourdissement, des fourmillements, des dysesthésies des doigts et particulièrement des 4e et 5e doigts, ou même de toute la main, sont possibles.
Ces symptômes sont liés à la position des mains sur le guidon, souvent en appui essentiellement cubital. Il suffit généralement de changer régulièrement la position des mains sur le guidon et d’effectuer quelques mouvements de flexion-extension des doigts et de circumduction des poignets pour diminuer ou faire disparaître ces sensations désagréables. Leur persistance en dehors du vélo devra conduire à demander un élec – tromyogramme et un avis rhumatologique ou orthopédique. Le nerf carpien peut également être atteint mais ceci est nettement moins fréquent.
Du point de vue traumatologique, les fractures du scaphoïde carpien sont parmi les plus fréquentes du cycliste. Des séquelles dans la consolidation peuvent être à l’origine de douleurs résiduelles lors de la pratique cycliste d’où la nécessité de respecter les délais d’immobilisation souvent jugés très longs par les intéressés. Les fractures des métacarpiens ainsi que des phalanges sont également fréquentes.
L’ ABDOMEN : LE POINT DE CÔTÉ
Il apparaît du côté droit ou gauche et est toujours lié à une intensité trop élevée de l’effort. Le ralentissement de l’allure et des mouvements de respiration bien rythmés et plutôt rapides permettent de les faire disparaître.
L’ ENDOFIBROSE ILIAQUE EXTERNE
Cette technopathie a toujours une origine non élucidée. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un dépôt de fibres sur la paroi interne de l’artère iliaque externe qui nourrit tout le membre inférieur. Elle serait en rap – port avec un allongement de cette artère en raison de la flexion de hanche quasi permanente dans la pratique de ce sport.
Cela ne se rencontre que chez les cyclistes qui auraient déjà fait plus de 100 000 km dans leur « carrière » sportive, même amateur ou de loisirs. Elle se traduit par une douleur importante dans la cuisse (face antérieure) lors des efforts intenses. Elle cède à l’arrêt de cet effort. Le diagnostic est souvent difficile (mesure de la pression artérielle comparati – vement au côté opposé, doppler, artériographie…). La sanction est généralement chirurgicale. Il est à noter que cette pathologie, spécifique du cyclisme, paraît plus rare qu’il y a environ 20 ans, ceci sans explication apparente.
LE PÉRINÉE
Les pathologies périnéales sont les technopathies les plus caractéristiques du sport cycliste. Le sujet est assis durant de longues heures sur une selle dure, rigide (en raison de la nécessité de bloquer le bassin pour avoir un pédalage efficace). Les ischions et la zone périnéale, fragile au niveau de la peau et des tissus sous-cutanés, sont soumis à des pressions importantes et prolongées. Des infections cutanées superficielles, des nodules sous-cutanés constitués de fibres conjonctives qui se déposent, des hygromas, peuvent apparaître, parfois de véritables furoncles. Toutes ces pathologies sont douloureuses et empêchent le cycliste de s’asseoir sur la selle. Une bonne hygiène lo- cale, des cuissards de qualité avec fond rembourré de chamoisine, voire de gel amortisseur, une selle de qualité, parfois un couvre-selle avec gel amortisseur, une selle pas trop haute permettent généralement d’éviter l’apparition de ces pathologies. Des soins locaux, des pommades anesthésiantes, des coussinets protecteurs avec évidement central (type pansement pour les cors aux pieds), peuvent être utilisés. Fréquemment on doit néanmoins recourir à la chirurgie pour retirer les importants nodules qui peuvent apparaître (le fameux “troisième testicule”).
Il faut noter que, comme pour l’endofibrose iliaque externe, ces pathologies paraissent nettement moins fréquentes qu’autrefois, probablement en raison de l’amélioration du matériel.
Chez les cyclistes féminines qui pratiquent ce sport en quantité, il peut exister une gêne majeure au niveau du périnée en raison d’une hypertrophie importante et gênante des grandes lèvres. Le recours à la chirurgie est parfois nécessaire.
LES GENOUX
En cyclisme, les genoux sont les seules articulations totalement libres du membre inférieur. Le pied est bloqué sur la pédale et ne peut pas bouger, de même que la hanche, relativement fixée par le bassin sur la selle. Un défaut d’orientation au niveau du pied et la grande répétition du mouvement de flexion-extension, effectué en décharge relative (le genou n’a pas, comme dans tous les sports debout, à porter le poids du corps), peuvent entraîner progressivement l’apparition de tendinopathies. Celles-ci se situent soit du côté interne (tendinite de la patte d’oie) soit du côté externe (tendinite du biceps crural). Les tendinites du tenseur du fascia lata , fréquentes en course à pied, sont pratiquement inexistantes en cyclisme. La cause principale est un mauvais positionnement du pied sur la pédale. Schématiquement un pied en rotation externe entraînera l’apparition de tensions au niveau des ischio-jambiers internes et inversement. Avec l’apparition des « pédales automatiques », ces inflammations sont moins courantes mais une mauvaise orientation du couple « pied-chaussure » peut en être à l’origine, de même qu’une pédale faussée ou son axe mal orienté suite à une chute (même bénigne et par – fois oubliée), une manivelle désaxée pour la même raison, une usure de la pédale ou des chaussures, parfois simplement une pédale légèrement dévissée et qui « flotte ».
Pour toutes ces causes, il est nécessaire soit d’être un bon technicien, soit de se fier à un mécanicien compétent car il faudra toujours commencer par soigner la cause si l’on ne veut pas que la pathologie réapparaisse.
Les syndromes fémoro-patellaires sont souvent évoqués en cyclisme. Pourtant, ils sont très rares car, comme nous l’avons dit, le genou ne porte pas le poids du corps. Rien à voir avec la descente des escaliers et ses importantes pressions, si fréquemment évo – quées par nos patients dans ce genre de pathologie. Si elle survient cependant en cyclisme, il faut tenter de modifier légèrement la position en montant ou descendant la selle d’environ 5 mm. Cela suffit souvent pour que les pressions condyle-rotule ne se fassent plus au niveau de la lésion cartilagineuse et que le pédalage redevienne indolore. De plus, on conseillera d’éviter les grands braquets, les exercices en force et la position en danseuse.
LES PIEDS
Certains cyclistes se plaignent en été de « brûlures plantaires ». Après une certaine durée (2 à 3 h selon la chaleur ambiante), ils éprouvent cette sensation très inconfortable, parfois douloureuse, qui les oblige à s’arrêter et à faire quelque pas. Ceci les soulagent immédiatement mais n’empêche pas le retour du phénomène quelques dizaines de minutes plus tard.
Ceci est dû à la stagnation veineuse au niveau de la voûte plantaire (la fameuse « semelle veineuse de Lejars »). En effet les appuis sur la pédale ne sont pas suffisamment importants pour chasser le sang veineux, chaud, comme c’est le cas à chaque pas en course à pied par exemple. Le cycliste qui souffre de cet inconfort, doit donc avoir de bonnes chaussures, avec une semelle isolante, ne pas les lacer trop serré et essayer de bouger les orteils dans ses chaussures. Il faut éviter les socquettes en nylon. Le cycliste peut, en cours de route, s’asperger les pieds d’eau fraîche (ce que font souvent les cyclistes professionnels qui bénéficient d’autant de bidons qu’ils le souhaitent, ce qui n’est en général pas le cas des cyclistes de loisirs). Il peut également descendre de vélo et faire quelque pas qui vont le soulager (ce qui confirme que l’origine de la souffrance est bien la stagnation de sang chaud). On peut aussi utiliser, avant le départ, les pommades rafraîchissantes (menthol) voire des pommades anesthésiantes. Le spray cryogénique peut être utilisé en roulant mais il n’est pas facile à appliquer soi-même en étant sur le vélo. Si le cycliste s’arrête, il faut retirer la chaussure et projeter le jet directement sur la socquette, ce qui évitera le risque de brûlures.
Des tendinites achilléennes peuvent se rencontrer. Elles sont rares. Elles sont généralement liées à une pédale usée, un axe de pédale ou une manivelle faussée, et à la répétitivité du mouvement. Là encore, il faut d’abord corriger le matériel.
LES PROBLÈMES MUSCULAIRES
Ce sont les crampes. Si le matériel est bien réglé, elles sont le signe d’une inadaptation musculaire à l’effort. En clair : braquets trop importants ou entraînement insuffisant. L’entraînement doit être régulier et surtout progressif.
Les contractures ou courbatures du lendemain sont également liées à un effort supérieur à l’entraînement habituel et disparaîtront rapidement sans soin particulier.
QUELQUES PARTICULARITÉS DU SPORT CYCLISTE
Le pédalage est un mouvement régulier, enchaîné, sans contraction musculaire explosive et maximale : il n’existe donc pas de lésion musculaire du type élongation, claquage, déchirure ou rupture.
Le pied étant fixé sur la pédale et la cheville ne travaillant que dans le seul axe de flexion-extension, il n’existe jamais d’entorse de la cheville sauf évidemment en cas de chute. Des fractures de la malléole externe sont alors assez fréquentes.
Le genou ne travaillant lui aussi que dans le seul axe de flexion-extension (et jamais en rotation) et n’ayant pas à porter le poids du corps, les lésions méniscales ne se voient jamais en cyclisme. A contrario, un cycliste peut toujours présenter une lésion méniscale d’autre origine qui le gênera éventuellement sur le vélo et il faut toujours y penser devant une gonalgie.
Parmi les autres « organes » également protégés au niveau de l’appareil locomoteur, notons l’absence de pubalgie, de tendinite des adducteurs, de périostite, de fracture de fatigue, d’aponévrosite plantaire. Ceci est lié à l’absence de microtraumatisme, à la seule fonction de transmission du pied et à l’absence de rotation au niveau des membres inférieurs.
A l’inverse, le cycliste est peu protégé sur son vélo. Il faut donc conseiller le port systématique d’un casque rigide et, pour les yeux, le port de lunettes de protection, même en l’absence de soleil.
CONCLUSION
Le cyclisme est un sport très protecteur pour l’appareil locomoteur qui travaille en décharge relative. Mais la répétition du mouvement de pédalage entraîne souvent l’apparition des pathologies inflammatoires chez ceux qui sont mal positionnés ou utilisent un matériel qui ne leur est pas adapté. Ceci explique que, malgré les milliers de kilomètres parcourus, les professionnels qui bénéficient de vélos parfaitement réglés et adaptés n’en souffrent que très rarement.
Il faut se souvenir que tout est réglable sur un vélo et, dans ces pathologies, il faut avant tout « soigner le vélo ». Dans le cas contraire, les pathologies réapparaîtront !
Enfin, il faut rappeler que le cyclisme est un excellent sport foncier, praticable pratiquement par tous, à condition de ne pas forcer et de ne pas se laisser prendre par l’esprit de compétition qui apparaît presque systématiquement lors des sorties en groupe.
Pour tous les pratiquants réguliers, qui sont plusieurs millions, qui participent éventuellement à des cyclo-sportives (en fait de véritables courses), à des épreuves de longue durée (exemple Paris-Brest-Paris : 1 200 km d’une seule traite !), ou à des randonnées par étapes, souvent maintenant au bout du monde, on ne peut que conseiller un examen médical sérieux avec dépistage des éventuels facteurs de risque et d’une épreuve d’effort cardiologique maximale.
Car, comme le disait le Dr Talbot, « On court avec ses jambes mais on pédale avec son cœur ! »